V comme vigneron, tous vignerons ! | Missé, pays Thouarsais, Deux-Sèvres, entre le 17e et le 19e siècle

Pour cette édition 2024, le ChallengeAZ, en mode collectif au sein du Cercle généalogique des Deux-Sèvres, nous permet de retracer la vie professionnelle de nos aïeux. À chaque lettre, un métier, et à moi le V … comme Vigneron.


Mes premières recherches généalogiques, il y a près de 40 ans, m’ont permis de vérifier que mes racines étaient uniquement plantées en Poitou, aujourd’hui les Deux-Sèvres et la Vienne pour la lignée maternelle, et pour celle paternelle, aussi les Deux-Sèvres et en Anjou, aujourd’hui le Maine-et-Loire.

Les Angevins ont cependant été poussés à quitter leur village natal ravagé par les troubles révolutionnaires ou pour trouver du travail. Ils ont ainsi posé leurs bagages du côté de Thouars et fait souche avec des natifs ou natives du pays thouarsais, tous, ou quasiment, issus de familles vigneronnes. Du début du XVIIe siècle, date butoir de mes recherches actuelles, jusqu’au milieu du XIXe siècle, époque où a sévi en France le phylloxéra, et où l’agriculture s’est spécialisée, ce sont ainsi des dizaines de lignées vigneronnes croisées dans l’arbre.


Les premiers représentants cités comme vignerons – du côté de Clémence Jumeau, la mère de mon grand-père paternel Raoul Raymond Cesbron – sont Jacques Sablon ou Sabion (Sosa 76), selon la prononciation locale, né en 1760 à Missé où il est décédé en 1844, et Pierre Henri Cotillon ou Cotillion (Sosa 78), qui a vu le jour, lui, à Saint-Jacques de Thouars en 1776 avant de s’installer à Missé au moment de son mariage et d’y mourir en 1855.


Du côté d’Auguste Rouger, le père de ma grand-mère paternelle Emilienne Raymonde Rouger, le premier identifié comme travaillant la vigne, est François Marceau (Sosa 82), originaire de Chiché où il est né en 1781, vigneron au village de la Roche de Luzay où il est mort en 1855. Mais les Rouger, ou Rougé voire Rougier sont bien entendu aussi vignerons. Louis-Mathieu (Sosa 160), né en 1746 et mort en 1815 à Missé, est le premier du nom à être cité comme vigneron, ses descendants étant annoncés plutôt comme journaliers, cultivateurs ou fermiers.


Ces deux derniers termes, considérés alors comme plus valorisants, ne préjugent pas de la disparition des vignes de Missé à cause du phylloxéra, celui-ci ayant fait peu de dégâts en pays Thouarsais, mais peut-être d’un souhait de travailler autrement sa terre, de se spécialiser et de ne tirer qu’un revenu complémentaire du labeur de vigneron.
Selon le numéro de Contexte dédié à la hiérarchie et à l’ascension sociale de nos ancêtres paysans, lorsque le métier de vigneron était cité dans les actes, cela signifiait avant tout que l’homme était doté d’un savoir-faire qui lui permettait de travailler la vigne d’autrui sans préjuger de son statut social.
Il pouvait s’agir dès lors d’un simple journalier, même si dans la hiérarchie, les vignerons, toujours selon Contexte, appartenaient à la classe des moyens et petits paysans indépendants ou semi-indépendants. Ils n’hésitaient pas non plus à utiliser un autre savoir artisanal pour compléter leurs revenus.

François Marceau est ainsi cité comme vigneron à chacune des naissances de ses enfants, mais à sa mort il est dit journalier.
Louis-Mathieu Rougé, lui, apparaît comme vigneron ou cultivateur selon les années mais aussi sabotier. Son fils Louis sera uniquement cité ensuite comme sabotier à son mariage en 1813 et cultivateur par la suite.
Louis Etioux (Sosa 726), lui, est annoncé comme vigneron et maréchal à son décès à Sainte-Verge en 1793.


Et il ne faut pas oublier les métiers annexes de la vigne comme celui de tonnelier, exercé, tout comme son père Louis et son frère, par Étienne Jérôme Geay (Sosa 176) à Saint-Varent à la fin du XVIIIe siècle.
Ces aïeux vignerons du pays Thouarsais ont tous des pères, des frères, des beaux-pères, des beaux-frères, des grands-pères vignerons, des mères, des épouses et des belles-sœurs issues de familles vigneronnes. En grimpant dans l’arbre misséen via uniquement les Sosa, ces sont des dizaines de familles rattachées au métier de la vigne, à une époque déterminée ou sur plusieurs décennies, qui apparaissent.

Comme si tout un village, Missé, les alentours de Thouars et d’autres paroisses un peu plus éloignées, ne vivaient que par et pour cela jusqu’au début du XVIIe siècle et auparavant très certainement : les Sablon, les Cotillon, les Marceau, les Rouger oui, mais aussi les Augé, Babin, Bailloux, Nepvoit, Nivet, Fillatreau, Depoix, Drillon, Boussicault, Bienaimé, Champion, Basset, Drouet, Moisnard, Pastre, Ragot, Rochereau, Briaud, Mauléon, Goussé, Hublet … Hiérosme Hublet (Sosa 2564), né vers 1615 à Tourtenay s’est installé en tant que vigneron dans le village de Fertevault, à la bordure de Thouars, d’où est originaire sa femme Jehanne Briaud. Ce village est encore aujourd’hui traversé par une rue des Pressoirs.

Au-delà des appellations de voies, le patrimoine viticole est encore présent fortement. Dans la maison de mes petits cousins, construite en 1820, vers Saint-Léger de Montbrun, le pressoir, de toute beauté, joue aujourd’hui le rôle de pilier de la table de cave.

Toutes ces traces rappellent que le pays Thouarsais a produit du vin depuis des siècles, a fait et fait encore partie du terroir des vins d’Anjou et du Val-de-Loire car il s’inscrit géographiquement à ses contours de l’extrême Sud, comme le montre la carte proposée par le site vinsvaldeloire.fr.


Les Deux-Sèvres, l’autre pays du vin par Dominique Paillé, ancien député de Deux-Sèvres, rappelle en détail cette histoire viticole, le rôle de la Loire, l’apport des Romains, de notre saint patron Martin, du duc de la Trémoille, les conséquences de la Révolution française…

« Chaque ferme avait quelques rangs de cépages, aussi variés que le Breton, le Gamay, le Chenin, ou moins racés, plus hybrides mais aux rendements meilleurs. » Tout comme encore mon oncle Alcide Chabosseau, du côté de Rigné, au milieu du XXe siècle, avait encore sa vigne qu’on allait régulièrement visiter.


Aujourd’hui, vingt domaines viticoles à Thouars et ses environs produisent des vins de l’appellation d’Anjou ou de Saumur. Selon Dominique Paillé, 17 communes des Deux-Sèvres bénéficient de l’AOC Anjou, Tourtenay de l’AOC Saumur, et 13 collectivités de l’appellation VDQS Vin du Thouarsais. Officiellement depuis mars de cette année, une Route des vins du Thouarsais fait aussi revivre toute cette histoire et assure la promotion touristique de ce patrimoine renouvelé.

Comme pour une synthèse de ma généalogie paternelle, ces vignerons du Thouarsais se disent Angevins par le nectar mais Deux-sévriens d’identité. Quant à mes ancêtres angevins restés sur place, certains étaient bien entendu vignerons comme par exemple, à Tancoigné, les bien nommés… Poitou !

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