Piersay de Verruyes, 24 prairial An II – fin du ministère de Jean Bonnanfant, notaire et huissier royal, greffier de paix #Généathème Mai2017-métier 

En venant de Verruyes, juste avant l’Aujardière, il y a sur la gauche un petit chemin qui mène au village de Piersais, un hameau de quelques maisons enfouies dans les arbres. Il y avait même, au temps de mes vacances enfantines, ce qu’on appelait un château d’eau, une espèce de tour en ciment plutot laide, qui marquait l’entrée du chemin et nous signifiait alors la maison toute proche, à l’Aujardière, lorsque nous revenions à pied ou en vélo du bourg. Le chemin de Piersais était  aussi le chemin de traverse pour aller à l’étang de Verruyes en évitant la route.

Et c’est au village de Piersay que le 17 Prairial de l’An II de la République française Une et Indivisible est décédé en sa maison, Jean Bonnanfant, huissier royal, notaire royal puis greffier de paix à la Révolution.

J’ai fait la connaissance de Jean par hasard dans les années 90, après m’être procuré l’ouvrage de Georges Bobin, l’ancien maire et notaire de Verruyes, intitulé Naissance de la République aux portes de la Vendée. Devenu très rapidement un best seller dans la région verruyquoise, le livre a été et est toujours, encore aujourd’hui, une aide précieuse pour mes recherches et l’invention d’hypothèses sur ma commune préférée et ses habitants. A partir de la page 296, l’auteur y insère non seulement des fiches de personnages importants de Verruyes à l’époque de la Révolution mais des bouts d’arbres généalogiques plus ou moins précis, plus ou moins complets, de leurs familles.

Fiche 2, j’y trouve Louise Bonnenfant et Jacques Nivault, mon couple fétiche de dissidents, qui auront pour descendants mon grand père Denis et ma grand mère Marie-Louise, et sur lequel mes recherches étaient arrêtées à l’époque. Je découvre ainsi tout un pan des ascendants de Louise, et la confirmation des cousinages avec les familles résidentes actuelles de Verruyes. Mais surtout des éléments de l’histoire de Jean Bonnanfant, le père de Louise.

Notaire royal … je n’étais pas peu fière de trouver enfin un ancêtre exerçant un métier autre que celui de la terre, ou de l’artisanat. Mon premier ancêtre intellectuel, en quelque sorte. Tout ce que je sais de lui ou presque, je l’ai lu dans ce livre qui raconte comment un petit canton de Gâtine a su s’organiser et traverser sans trop de heurts cette période de feu et de cendres.

Jean est décédé en 1794, à l’âge de 53 ans, six jours avant sa seconde épouse, Marie Couturier, et contrairement à ce qu’indique son acte de décès, il n’est pas né à Verruyes mais à Mazières-en-Gâtine en 1740. Personne ne pouvait peut-être imaginer à sa mort qu’il n’était pas un Verruyquois de naissance, tant il devait faire partie intégrante de la vie de la commune. Sa naissance à quelques kilomètres de distance pouvait être aussi le fruit du hasard mais je n’en connais pas encore les raisons.

Lorsqu’il se marie, à Verruyes, pour la première fois en 1768, avec Marie Françoise Juin, il est qualifié par le curé de patricien, terme utilisé pour les hommes de loi mais aussi de médecine. Selon Georges Bobin, le corps notarial à la fin du XVIIIe siècle était constitué de praticiens dont la définition serait la suivante :  un homme de loi ou d’affaires qui connaît le côté pratique de la justice ou qui est fort sur la procédure. À l’époque, il n’est pas nécessaire d’avoir suivi un quelconque enseignement de droit et Jean avait dû lire La science parfaite des notaires de Claude La Ferrière, l’un des formulaires commentés constamment réédité et mis à jour (édition 1699, un volume, 644 pages ; édition 1741, deux volumes, 1445 pages) pour se former à la fonction. La connaissance des usages et des mœurs du territoire sur lequel on exerçait était aussi indispensable, la majorité des régions de France sous l’Ancien Régime étant de droit coutumier. La Gâtine était ainsi régie par plus de 300 coutumes.

Jean s’installe en 1774,  six ans plus tard, comme notaire royal à Piersay. Il a désormais trois enfants (il en aura au total plus de dix) : Marie, appelée comme sa mère et née en 1769, Jean, prénommé comme lui, né en 1771 et François, né en 1773. Notaire, du latin notarii, qui écrivaient par abréviations ou par notes. Le corps des notaires royaux doit son développement dans tous les domaines à Philippe le Bel et son ordonnance de mars 1302, imité ensuite par les seigneurs et l’église qui créèrent les notaires seigneuriaux et ecclésiastiques. La profession, répondant à un réel besoin économique d’une population souvent illettrée, permit aussi, avec la création des offices et donc de charges moyennant finances, de subvenir aux besoins de ressources du pouvoir royal.

Ils seront deux notaires pendant de nombreuses années, l’un au bourg, Charles Proust, le second, Jean, au village de Piersay, dont l’activité commerciale et sociale devait dépasser à l’époque celle du bourg. En parcourant les actes civils, baptêmes, mariages et décès de l’époque, il est très courant de découvrir sa signature, belle et aisée, en tant que témoin ou parent des nouveaux nés, mariés ou défunts. Georges Bobin cite très souvent, dans son ouvrage, des contrats passés chez Maître Bonnanfant. Verruyes et ses familles ne devaient avoir aucun secret pour lui.

Issue d’une famille de gros agriculteurs de la commune, Marie Juin, son épouse et mon aïeule, décède en octobre 1779, quelques mois après avoir mis au monde son sixième enfant, à l’âge de trente huit ans. Trois mois presque jour pour jour après sa disparition, Jean se remarie avec Marie Couturier, de treize ans sa cadette, elle aussi d’une famille aisée de Verruyes. Avec ses enfants en bas âge et sa charge, il devait être inconcevable de rester sans compagne officielle à ses côtés.

Lorsque les événements révolutionnaires et l’arrivée de la Première République chamboulent toute l’organisation administrative de la France, donc aussi celle de Verruyes, il succède, en 1792, en tant que greffier du juge de paix – Louis Bordier puis René Théodore Brunet – à son collègue du Bourg, Charles Proust. Selon Georges Bobin, pendant toute cette période, la justice de paix fonctionne essentiellement comme instance de conciliation pour les litiges agricoles et ruraux, et également comme instance de recours en matière d’état civil et de succession, d’où le recours aux notaires pour assister ces nouveaux fonctionnaires.

Le 24 prairial An II, à la mort de Marie, six jours après son époux, René Théodore Brunet Brunet, juge de paix, appose les scellés sur les meubles à Piersais : cité par Georges Bobin, l’inventaire fait apparaître un intérieur très modeste et une situation financière précaire. René Théodore Brunet, très certainement  apparenté à Jean, adresse une lettre  à François Bonnanfant, le fils de Jean, alors grenadier aux Armées dans le 1er bataillon des Deux Sèvres aux Monts Pyrénées. Prenant à cœur la situation des enfants encore jeunes, il tient à le prévenir du décès de son père et de sa belle-mère et des obligations légales en cours qui pouvaient s’avérer défavorables à ses frères et sœurs.

Je ne sais pas encore si Francois a pu faire le nécessaire, mais, de retour des Armées, il est finalement devenu lui aussi notaire au bourg  de Verruyes et en devient même le maire au début du XIXe siècle. Jean avait servi sous l’Ancien Régime et contribué, par son savoir, à l’installation de la toute jeune République, son fils a pris le relais. Fin d’un monde, Naissance d’un nouveau monde.

Si je devais faire un #RDVancestral, ce serait avec Jean. Il m’apprendrait tant et tant sur les uns et les autres à la fin de ce XVIIIe siècle qui avait vu émerger à Verruyes, par le biais des alliances, une véritable bourgeoisie rurale, au sein de laquelle je me perds  parfois au cours de mes recherches familiales.

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