K comme Kriegsgefangener de Gâtine #ChallenzeAZ 2018 collectif #Gâtine #Généa79

Pour ma première participation au #ChallengeAZ, une initiative lancée il y a plusieurs années par Sophie Boudarel, alias @gazetteancetres sur Twitter, j’ai contribué cette année à celui collectif organisé par l’association de généalogie des Deux-Sèvres sur le thème de la Gâtine en rédigeant plusieurs articles. L’ensemble du ChallengeAZ sur la Gâtine avec les contributions de 15 blogueurs gâtineaux est disponible sur le blog de Généa79.
Avec mon cousin, Vincent Moreau, voici l’article que nous avons rédigé, dédié à son arrière grand-père, Julien Baraton, Caporal Gâtineau, prisonnier de guerre en Allemagne pendant 4 ans.

De Verruyes à Meschede & Hamelin, 1915-1919
Julien Baraton, prisonnier de guerre en Allemagne, quatre ans loin de la Gâtine

Julien est né en Gâtine, à Verruyes, au moulin de la Roussière en 1887. Après avoir fait deux ans de service militaire, de 1908 à 1910, il a épousé Léonie en 1913. Mais le 1er août 1914, la mobilisation générale est ordonnée. Comme tous les hommes en âge de combattre, Julien rejoint son régiment, le 114e RI à Parthenay, et arrive au corps – comme on dit – le 4 août 1914, plein d’entrain et de fierté.

15 août 1914, de Parthenay en Gâtine, à Nancy et ses environs, en Lorraine

Il est affecté au régiment de réserve qui vient de se créer, le 314e RI.
Le caporal Julien Baraton, vingt-sept ans, a déjà fait vingt-quatre mois de service militaire de 1908 à 1910. Le 314e RI, composé entre autres de réservistes de Gâtine, appartient à la 117e brigade d’infanterie, 59e division d’infanterie, 9e région, 2e groupe de réserve. Julien part aux armées le 14 août. Le 15 août, le régiment défile dans les rues de Nancy puis cantonne, à quelques kilomètres, à Pulnoy*, pas très loin du 125e RI et de Louis Victorien Désiré Dutin, le cousin de sa femme. Le 314e RI veille sur la Seille, la rivière lorraine qui délimite les territoires des belligérants, protège ainsi Nancy et son Grand-Couronné, et participe aux batailles de Sainte-Geneviève (août 1914) et de la forêt de Champenoux (septembre 1914). La fin de l’année et le début de 1915 furent apparemment calmes.

Julien, vers 1908-1910
© DR – Collection personnelle

13 février 1915, la catastrophe du Signal de Xon
Autour de Nancy, plusieurs collines ont un intérêt stratégique, dont celle du Xon, sur la commune de Lesménils. Cette motte d’une hauteur de 356 mètres offre une vue imprenable sur la plaine, et est occupée depuis septembre 1914 par les Français. Les Allemands sont juste en face, à moins de 500 mètres. Le 13 février 1915, après des mois de calme, une lourde canonnade en provenance du camp ennemi assourdit tout le monde. En quelques heures, le Signal de Xon est devenu allemand, les soldats de la 20e compagnie du 325e qui le gardait sont morts ou prisonniers. Du 13 au 16 février, les ripostes françaises pour reprendre cet endroit tactiquement important sont totalement désordonnées. On appelle des renforts mais sans aucune coordination ou plan réellement pré-établi. Les 18ème, 21e et 22e compagnies du 314e arrivent ainsi dans la soirée du 13 février, en ordre dispersé, et se font cueillir par les Allemands. Le capitaine Cochin du 325e RI meurt héroïquement le 14 février, à l’avant de ses troupes.

14 février 1915, Vive la vie, Adieu la liberté !
Julien est porté disparu depuis cette même date du 14 février 1915. Léonie, la jeune femme de Julien, sera rassurée quelques semaines plus tard sur le sort de son mari. En mars, la nouvelle se répand dans la famille que Julien est prisonnier, et non plus disparu ou pire encore. Le soulagement est immense à Verruyes, en Gâtine.

19 mars 1915, lettre de Victor Niveau, le frère de Léonie, à son oncle et sa tante, Célestin Babin et Louise Niveau, mes arrières-grands parents © DR – Collection familiale

Le Xon a été finalement repris par l’armée française le 18 février, au prix de 1250 hommes hors de combat, morts, disparus, prisonniers. Aujourd’hui, la gêne, voire la honte de l’avoir perdu est palpable à la lecture des documents. Les 277e RI et le 18e Chasseurs qui ont permis la victoire le 18 février, sont mis régulièrement à l’honneur dans les récits de cet épisode. Deux régiments peu cités voire oubliés très souvent : le 325e, certes fautif dans la perte de la colline mais qui le soir même affrontait à nouveau les Allemands et le 314e RI arrivé vers 20h en soutien, sans plan pré-établi de contre-attaque mais répondant aux ordres. Deux régiments sacrifiés avant la mise en place à partir du 16 février d’une véritable stratégie, et la victoire le 18 février.

Du Xon en Lorraine à Meschede en Rhénanie du Nord
Si Julien a réussi à échapper au massacre du Signal de Xon, il a pris le chemin des camps allemands dits de prisonniers ou encore d’internement voire de concentration selon certaines appellations retenues dans les documents.

Fiche militaire de Julien Baraton – © AD79

Selon toute vraisemblance, il a été transféré dans un premier temps à Meschede, en Rhénanie du Nord-Westphalie, comme l’indique sa fiche militaire puis a été évacué vers celui de Hamelin, près de Hanovre, les deux camps étant distants d’une centaine de kilomètres. Par méconnaissance du statut à donner aux prisonniers de guerre, il a peut être fait le chemin vers Meschede à pied ou dans un wagon à bestiaux****.

Les Allemands, certains de leur victoire rapide, au début des hostilités, n’ont pas anticipé l’afflux de prisonniers, engendré par leur avancée sur Paris, à l’automne 1914. Les camps de prisonniers ne sont pas opérationnels pour recevoir autant d’hommes, ou pas encore aménagés en cette fin de première année de guerre. Beaucoup de prisonniers meurent durant l’hiver 14.Meschede, rectangulaire, est entouré de plusieurs rangs de fils de fer barbelés, très serrés et très hauts, et situé sur une colline qui domine la ville. Il est composé (en décembre 1914) de 2 baraquements en planches, pouvant loger 100 prisonniers chacun, et de plusieurs bâtiments servant aux magasins et cuisines, à un lazaret, logement du gardien, des soldats et officiers qui gardent le camp**.

Vue de la Grande Rue du camp de Meschede (Allemagne) – © Histoires de poilus (Alexis Amand)

Des transformations du camp sont initiées au début de 1915. Une route principale est créée dans le camp, avec des allées transversales et des trottoirs en ciment. Les conditions semblent s’améliorer avec la création de sanitaires dignes de ce nom et la constructions de nouveaux baraquements. La palissade fait désormais 4 mètres de haut, formant un chemin de ronde, il y a aussi une autre clôture de 3 mètres de haut, des sentinelles aux quatre coins du camp qui sont installées dans des observatoires de 8 mètres de haut, tout autour du camp, des mitrailleuses, des 71 de campagne et de puissantes lampes électriques.

La vie des prisonniers reste extrêmement difficile en ces premiers mois de guerre, en plein hiver, et leur quotidien diffère énormément d’un camp à l’autre. Le typhus en 1915 fait plus de 2 000 morts à Wittenberg, à Cassel. Près de 20 000 prisonniers français au total mourront en Allemagne.

Jusqu’en 1919, à Hamelin ou Hameln, près de Hanovre
La Convention de la Haye, signée par 44 pays en 1907, doit régir le sort et la détention des prisonniers mais elle n’est pas appliquée. Cela commence à se savoir, et les protestations des belligérants déclenchent les visites de représentants des pays neutres, comme la Suisse et l’Espagne ou encore de la Croix Rouge.

Julien apparaît sur les fiches de La Croix Rouge en 1916, le 26 février, lors d’une visite d’inspection de l’organisation. La pièce le concernant est la n° P 34498. Le recensement concerne les soldats français internés au camp de Hamelin (ou Hameln, en allemand).

Recensement © CICR
fiche de Julien Baraton
Recensement © CICR
fiche de Julien Baraton


Julien, prisonnier de guerre – © DR – Collection personnelle (Recto)

Quand Julien est-il arrivé à ce camp ? Travaillait-il dehors, à la ferme dans le respect du statut de prisonnier de guerre ? Beaucoup de questions encore sans réponse…

© DR – Collection personnelle (Verso)

En tout état de cause, la fiche indique Julien Baraton, Caporal, du 314e d’infanterie, capturé à Don (en fait le signal de Xon), originaire de Versugen (sic ! En fait Verruyes), et prisonnier n° 11565.

Le numéro de prisonnier correspond bien à celui que Julien indique sur chaque carte postale, adressées à Léonie ou à la famille pendant sa captivité.
Très peu de mots, aucune information, jamais de date. Pas de numéro de régiment sur l’uniforme.

Julien a été rapatrié au centre de Dunkerque le 12 janvier 1919. Il retrouve sa Gâtine natale, Verruyes, après quatre ans de captivité. Il obtient sa carte de combattant le 11 janvier 1931. Le 314e régiment d’infanterie ne compte aucune citation et a été dissous en 1916. Julien n’a reçu aucune médaille. Prisonnier de guerre pendant la guerre n’était pas une situation enviable, mais cela ne l’est pas plus après la guerre.

Plus de 600 000 Français prisonniers ne sont pas considérés comme des combattants, et les décédés en captivité ne se voient accorder la mention Mort pour la France qu’en 1922.*

© DR – Collection familiale (Recto)


© DR – Collection familiale (Verso)


Julien Arthur Hubert Baraton. Julien. Personne ne l’a jamais appelé comme ça. Jamais.

© DR – Collection personnelle (Recto)


Encore aujourd’hui, ma mère, sa petite cousine par alliance, Gérard et Alain, ses petits-enfants, ne l’ont toujours connu que sous le prénom d’Ernest.

© DR – Collection personnelle (Verso)

Allez savoir pourquoi ! Il s’agissait peut-être de son prénom de baptême, souvent différent de celui de ceux, de l’état civil.

Ernest est parti en 1970, à l’âge de 83 ans, emportant avec lui les détails de son histoire, celle d’un jeune homme de Gâtine, réchappé par miracle d’une des plus grandes boucheries de l’Histoire du XXe siècle.
Un homme sur des millions à qui nous devons notre liberté aujourd’hui.



Julien Arthur Hubert Baraton, dit Ernest (Verruyes, 1887 – Verruyes, 1970)
© DR – Collection personnelle

Sources

*Historique du 314e Régiment d’infanterie – Saint-Maixent, Imp. Charoussant-1920
**Site chtimiste.com
***Site prisonniers de guerre 1914-1918
****Site Chemins de mémoire – Les prisonniers de guerre français 1914-1918
*Site du centenaire 14-18 – L’image des prisonniers de guerre

3 réflexions au sujet de « K comme Kriegsgefangener de Gâtine #ChallenzeAZ 2018 collectif #Gâtine #Généa79 »

  1. Bonjour, je suis marie France Baraton, la petite fille de Ernest Baraton. Merci pour cette considération
    Envers mon grand père. C’est très bien , très intéressant. Bravo à toi. Je serais heureuse de te connaître. J’ai rencontré ta maman hier…Je t’embrasse et félicitations pour tes recherches… Marie France Baraton. Je suis en ce moment à Angoulins chez ma fille et mon gendre. MFB
    PS: je joins l’email de mon mari.
    Cordialement.

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